Comores: les enjeux de l'émigration vers Mayotte
L’émigration « clandestine » vers Mayotte On ne finira jamais d’en parler ! On ne finira jamais de les plaindre ! On ne finira jamais de soupirer et de les pleurer ! On ne finira jamais de crier à la mascarade !
Comment chasser de leur esprit le mythe de cette île Mahoraise où la vie parait facile ? Ils sont des milliers à s’aventurer « clandestinement » pour rejoindre « illégalement » leur île « colonisée ». Pour beaucoup, les requins sont là et les attendent pour faire un régal ! Ceux qui y échappent disons par miracle, sont attendus par une garde de police qui laisse passer les ennemis des Comores (cas de Mohamed Bacar et ses compagnons) et reste vigilent aux simples émigrés. Si l’attention et la surveillance de ces gendarmes sont détournées, les émigrés « clandestins » doivent faire face à une autre aventure, une autre misère : celle de l’humiliation, de la discrimination, de l’exclusion ; en un mot de la recherche du travail dans les conditions les plus amères. Sur leur territoire, ils sont considérés comme des étrangers car ils sont Anjouanais, Grand Comoriens ou Mohélien. Mais dans tout ça, rien ne semble les arrêter ! Pour eux, émigré est la seule issue pour sauver la peau et la survie. Ils prennent donc le risque de fuir pour tenter de mener une autre vie même si ce sera au prix d’une souffrance, d’une humiliation, d’une discrimination et de l’indignité, mais c’est à l’autre bout de l’océan indien, près de leur île, loin de leur village, des parents, des amis et de certains regards méprisants.
L’émigration vers Mayotte apparaît aujourd’hui comme un cas gênant qui occupe une place prépondérante dans l’agenda des pourparlers Franco-Comoriens. Mais plusieurs questions inédites doivent être soulevés. Quelles sont les causes d’un tel phénomène ? Est-ce l’échec de l’Etat Comorien pour assurer le développement humain…, pour repartir équitablement les richesses nationales ? Ou alors ce sont les retombées économiques, politiques dont les racines s’étendent avant même l’accession à l’indépendance ? En aucun cas, il n’est pas possible de répondre ces questions profondes, faciles et difficiles à la fois, qu’à travers l’analyse d’un ensemble de facteurs qui s’interpose pour encourager l’émigration vers les mers dangereuses de mayotte. Ces facteurs pourrons-nous dire, qu’ils sont incitants et attrayants. En vérité, il existe un bon nombre de facteurs qui nécessite le risque de prendre un « Japawa » vers une île dont on ignore les retombées surtout dans ce pays arriérés dans tous les plans et niveaux : chômage, inégalités sociales renforcées, dissolution des familles…
Comme disait un grand philosophe musulman et maghrébins Ibn Khaldoun « pour avoir quelque chose, il faut toujours bouger et travailler. ». C’est exactement par ce contexte que des Comoriens des autres îles prennent le risque de quitter vers Mayotte pour subvenir les besoins essentiels de la famille. Pire encore qu’actuellement le désir et la volonté de travailler aux Comores ne suffisent plus pour faire la vie. Actuellement « l’état de l’Etat » Comorien ne donne plus envie de rester : la demande dépasse de loin l’offre et la crise économique accroît le nombre des chômeurs. En conséquences, les villages se vident dans le cadre de mouvements vers Mayotte où le travail « se paye bien ». Comme nous l’avons bien démontré dans un article sur les éditions précédentes consacré sur « la nécessité d’une reforme de l’administration Comorienne», aujourd’hui nous nous demandons comment un développement pourrait-il naître dans la terre de la marginalisation, de l’exclusion, des inégalités, et de l’injustice ? Le climat politique et économique voir social vécu par les Comores depuis l’accès à son indépendance, suites aux politiques aléatoires sans programmes menés par des gouvernements incompétents, a fait que le pays s’enlise dans la dépendance et le sous-développement.
Aux Comores et cela s’empire encore aujourd’hui sous la responsabilité du président Sambi, la politique adoptée continue à affaiblir le pouvoir d’achat de la majorité de tous les citoyens. Les fonctionnaires et plus particulièrement les professeurs dont les droits de paiement sont bafoués se sont appauvris de plus en plus. Et les réactions ne manquent pas à se manifester par des mouvements de grève successifs sans réponse et qui donnent une image très claire de la crise de l’Etat. Comme disait le sociologue Comorien Msa Ali Djamal dans un entretien tenu par lirExpress le 26 Novembre 2006, « beaucoup des rapports sur l’inégalité des chances, sur les inégalités sociales et scolaires, sur la trappe au chômage, sur la délinquance, sur la gestion et l’autorité de l’Etat sont à refaire ». Mais pour confirmer leur mécontentement, un grand nombre de la population Comorienne se soumet à l’émigration clandestine qui reste donc la seule solution, la baguette magique pour se débarrasser de cette misère créer par les autorités Comoriennes. D’ailleurs, si on essai de se rendre sur terrain pour interviewer ces émigrés sur les raisons qui les poussent à prendre un « Japawa » pour se rendre à Mayotte, nous sommes certain qu’une seule réponse serait unanime : la recherche du travail.
Les reproches ne sont donc pas à faire à ces émigrés miséreux par le pays et qui sont contraints de le quitter. La patrie qui n’arrive pas à nourrir ses fils, ni rendre justice aux pauvres, ne respect guère la dignité de la personne dans la moindre limite qui est le droit du travail. En effet, chaque phénomène social peut entraîner des effets positifs et d’autres négatifs, que ce soit sur l’individu lui-même ou sur la société en son entière. Certes, les résultats positifs de l’émigration vers Mayotte se limite à la réussite de l’individu, dans son aventure par le fait de trouver un travail qui lui procure de l’argent, lui rend la vie moins facile, il reste que les causes et les effets se sont multipliés en même temps que ses mécanismes dans le fonctionnement de notre société et des institutions politiques, économiques, sociales et culturelles, pour atteindre un seuil tragique aigu.
C’est pourquoi à travers ce tribune de «Mbeniconnect», nous pleurons et crions les conditions misérables des jeunes de notre age, homme et femme et même des mineurs et des enfants, qui mettent leur vie en péril en s’aventurant à rejoindre l’île de Mayotte qui nous est interdit par le fameux « visa Balladur ». Par ces cris, et ses pleurs, nous lançons un appel. Un appel à tout ceux qui veulent l’entendre. L’entendre non seulement pour honorer les Comores, mais pour l’écouter et agir. Agir profondément ! Cette action en profondeur qui veut que l’égalité sociale soit assurée, l’égalité de chance soit garantie, la dignité de la personne soit respectée, la justice soit égale à tous les Comoriens afin que chaque citoyen puisse en jouir. A bon entendeur salut !
Hamidou SAID ALI Rabat-Maroc
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